Monsieur le Ministre de l'Administration Territoriale,
Mon cher frère Abakwa,
Je vous écris une lettre publique et personnelle. Publique parce qu'elle concerne plutôt les actions publiques ostentatoires que vous avez menées et que vous n'avez pas menées. Personnelle parce que oui, vous êtes mon frère.
Cette lettre a pour but de vous demander de cesser, de renoncer et de passer à l’action.
Cessez !
En tant que citoyenne camerounaise, je vous demande de cesser immédiatement deux choses.
Tout d'abord, vous devez cesser de nous menacer et de nous insulter, nous, citoyens camerounais. L'utilisation de termes tels que "moulinex", le langage et le ton intimidants doivent cesser immédiatement. Vous êtes Ministre de la République du Cameroun. Je vous invite à relire l'article 2 de notre Constitution.
Nous, le Peuple, détenons la souveraineté nationale que nous choisissons d'exercer par l'intermédiaire du Président de la République. Vous êtes nommé par le Président de la République. Dans l'ordre hiérarchique, nous, le Peuple, sommes le patron de votre patron. En aucun cas vous n'êtes censé nous insulter ou nous menacer dans l'exercice de vos fonctions officielles. Nos impôts paient votre salaire et celui du Président de la République. Vous travaillez pour nous.
En tant que Ministre de la République, vous devez faire preuve de professionnalisme, d'étiquette et de respectabilité à tout moment. Nous vous payons pour que vous nous représentiez avec dignité et décorum.
Contrairement à beaucoup de Camerounais, je vous ai rencontré et j'ai discuté avec vous. Au cours d'un entretien de 3 heures, nous n'étions pas d'accord plus de 90% du temps. Pas une seule fois vous ne m'avez menacé ou insulté pendant cette conversation, malgré nos points de vue diamétralement opposés. Je sais donc que vous êtes capable de communiquer sans menace ni insulte.
Cessez immédiatement les menaces et les insultes que vous utilisez lorsque vous vous adressez aux Camerounais. C’est irrespectueux envers nous, le Peuple. C’est une violation de la loi camerounaise, une attitude inconvenante et un manque de respect à l'égard du peuple camerounais.
C’est un acte indigne de la fonction que vous avez été désigné pour occuper. Une fonction qui nous représente en tant que nation.
Cessez immédiatement les menaces et les insultes.
Renoncez !
En tant que citoyenne camerounaise, je vous demande de renoncer immédiatement à des déclarations de nature illégale.
En tant que Ministre de la République du Cameroun, l’une de vos responsabilités principales est de respecter et faire respecter la loi.
Vous faites régulièrement des déclarations et tentez d'accomplir des actes qui sont contraires à la loi. Je citerai deux exemples.
Monsieur le Ministre, le respect de la loi camerounaise, je le répète, est un élément fondamental et spécifique de vos fonctions.
La loi stipule que vous devez fournir un cadre dans lequel les partis politiques exercent la liberté d'opinion politique, garantie par notre constitution, et mènent leurs activités. En aucun cas, vous n'êtes censé vous immiscer ou interférer dans le fonctionnement des partis politiques. Malgré notre système judiciaire très imparfait, vos tentatives d'ingérence dans le fonctionnement interne des partis politiques ont toujours été stoppées par les tribunaux. Je le sais de première main, car je vous ai battu en tant que présidente du Cameroon People's Party, non pas une, mais deux fois dans le système judiciaire. Plusieurs autres partis politiques vous ont également battu dans un système judiciaire qui ne favorise aucunement les partis d'opposition.
Retenez la leçon. Arrêtez les communiqués, les décisions et les actes ministérielles illégales. Ce n'est pas seulement inconvenant et indigne de la fonction que vous avez été nommé à occuper, mais cela suggère que vous n'êtes pas apte à exercer cette fonction.
Enfin, Monsieur le Ministre, vous devez cesser de confondre votre rôle de militant du parti politique au pouvoir avec vos fonctions de ministre.
Il est regrettable que votre parti, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), se soit confondu en tant que parti avec le gouvernement du Cameroun au cours des 42 dernières années. Vous avez confondu les fonctions de l'État, vous avez confondu les ressources de l'État et vous avez complètement confondu les intérêts de l'État avec ceux de votre parti.
Sachez que cette confusion est regrettable, contraire aux intérêts de la République et incontestablement illégale. C'est une confusion qui a appauvri notre pays, entravé son développement et empêché les Camerounais de jouir des libertés, des ressources et des richesses de ce merveilleux pays qui est le nôtre. Vous, Monsieur le Ministre, êtes l'un des principaux promoteurs de cette confusion.
Vous devez cesser immédiatement de confondre votre rôle de militant du RDPC avec votre rôle de Ministre. Vous êtes Ministre de la République du Cameroun. Nous vous payons pour soutenir et défendre les intérêts nationaux, et non les intérêts d'un citoyen individuel quelconque, même quand ce citoyen est le Président de la République.
Passez à l'action !
Pendant que vous êtes occupés à proférer des insultes, des menaces et des déclarations illégales, le travail que vous êtes censés faire, le travail pour lequel nous vous payons en tant que citoyen/nes camerounais/es, est très mal fait. Les responsabilités dont vous vous acquittez de manière extrêmement inadéquate sont multiples. Permettez-moi de me concentrer sur trois d'entre elles qui nécessitent une action urgente et efficace de votre part.
La crise à l’Extrême Nord
Monsieur le Ministre, près d'un demi-million de Camerounais sont en situation de détresse dans l'Extrême-Nord de notre pays à cause des inondations. Vous avez interdit (vous et l'interdiction, hein !) aux Camerounais de mobiliser des ressources pour aider leurs concitoyens. Pendant ce temps, la Direction de la Protection Civile de votre ministère a échoué sur plusieurs fronts.
Insécurité urbaine
Monsieur le Ministre, en tant que citoyens, nous vivons dans une insécurité croissante et alarmante dans nos villes. Cette insécurité est due au manque d'opportunités d'emploi, d'éducation et de formation pour environ 30 % de nos jeunes. L'insécurité est également due à la prolifération et à la consommation de drogues illégales dans notre pays. Cette insécurité met nos vies en danger, entrave la croissance économique et les investissements dans notre pays. Il s'agit d'un problème complexe et urgent qui est au cœur de votre portefeuille en tant que ministre de l'administration territoriale.
Vos journées devraient être consacrées, non pas à nous menacer et à nous insulter, mais à mobiliser vos collègues ministres ainsi que toutes les autres parties prenantes (comment pouvez-vous nous mobiliser quand vous nous menacez ?), pour résoudre ce problème urgent.
La crise anglophone
Monsieur le Ministre, comme je vous l'ai dit en personne, je vous considère comme l'un des principaux protagonistes d'une crise qui a tué près de 10.000 Camerounais, créé environ 60.000 réfugiés et déplacé plus de 800.000 personnes. Votre malheureuse « réunion de paix » du RDPC du 8 décembre 2016 a déclenché ce qui est devenu une guerre civile de faible intensité dans notre pays. Les citoyens étaient mécontents de leur gouvernement et formulaient des plaintes légitimes. Vous avez décidé de répondre par un événement partisan et vous avez déclenché une catastrophe. Commencez-vous à comprendre la calamité que cette confusion entre le rôle de ministre et celui de militant a engendrée pour notre pays ?
Aujourd'hui, la crise est là et vous êtes Ministre. Les réponses que vous avez apportées aux personnes déplacées internes (PDI) qui sont directement sous votre responsabilité sont totalement inadéquates. Les personnes déplacées ont besoin d'abris, de documents administratifs, d'écoles et d'emplois. Vous leur avez parfois fourni un matelas ou un sac de riz. L'Ouest, le Littoral, le Centre et même le Sud sont inondés de vagues de personnes déplacées qui, dans leur vulnérabilité, font l'objet d'un trafic humain à des fins sexuelles et de travail. Les victimes sont revictimisées encore et encore. Monsieur le Ministre, vous avez été si prompt, par votre arrogance, vos menaces et vos insultes, à déclencher cette crise. Nous vous demandons maintenant d’effectuer le travail pour lequel nous, les citoyen/nes, vous payons.
Monsieur le Ministre, il y a plus qu'assez de travail sérieux à faire. Ce ne sont là que quelques-uns des dossiers urgents qui se trouvent sur votre bureau. Vous n'avez pas de temps à consacrer à des communiqués futiles et à des décisions ministérielles illégales.
Agissez, Monsieur le Ministre. C'est votre travail.
Mon cher frère Abakwa,
Oui, je conclurai sur cette note très personnelle. Vous êtes mon frère et je suis votre sœur, quels que soient nos sentiments d'ambivalence l'un envers l'autre. Le Cameroun nous destine ainsi, Abakwa nous destine ainsi.
Quiconque vous rencontre se rend immédiatement compte de l'amour profond, à la limite de l'adoration, que vous portez au Chef de l'État. Même si je trouve ce choix étrange, c'est le vôtre et je le respecte. Cet amour aveugle pour Paul Biya vous a cependant conduit à mener des actions qui ont très directement détruit l'Abakwa que nous connaissions et aimions, pour cette génération et la suivante. Que cela serve de leçon. Que cela ne se répète pas pour la Nation tout entière. Si la nature suit son cours, tôt ou tard, Paul Biya quittera cette Nation et vous et moi y resterons. Frères et sœurs, nous nous regardons en face.
Cessez. Renoncez. Agissez. Afin que ce jour-là, nous puissions trouver un terrain d'entente pour reconstruire, à partir de ces cendres que vous et votre amour de Paul Biya nous avez laissées.
Très sincèrement
Kah Walla
Citoyenne
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